04/02/2017
L'histoire d'une journée Lemire...diligentesque en 7 actes !
Acte 1 : André Diligent évoque l’exemplarité de Jules Lemire quand il s’agit de célébrer la mémoire de l’Abbé, 50 ans après sa disparition le 7 mars 1928. Il garde comme une relique une réédition du « Cri des Flandres » édité pour l’occasion. 1978, c’est l’année où Diligent qui a perdu son mandat de Sénateur en 1976 et la Mairie de Roubaix en 1977, envisage une candidature aux législatives à Hazebrouck. Toutes les formations de l’UDF-giscardienne sont d’accord sur son investiture mais la machine s’enraye. Le puissant rédacteur en chef de l’époque de l’édition locale de la Voix du Nord se met en travers de sa route, avec une chronique satirique dénonçant l’étranger roubaisien… En situation de parachutage, Diligent, puissant numéro 2 de son parti, jette finalement l’éponge après avoir étudié tous les contours d’une candidature assez bien préparée mais finalement empêchée, sur fond de rivalités entre giscardiens et chiraquiens.
Acte 2 : Suite à une exposition réussie en juin 1990 sur l’Abbé par Jacques Follet, un habitant de Vieux-Berquin, André Diligent décide, avec des historiens (René Rémond, Jean-Marie Mayeur –auteur de LA thèse sur l’Abbé Lemire- Yves-Marie Hilaire, André Caudron), Maurice Schumann qu’on ne présente plus, du petit-neveu de l’abbé Gilbert Louchart, de Thérèse Protin, maire de Vieux-Berquin, de créer en octobre 1991 l’association « Présence de l’Abbé Lemire », dont il devient président exécutif, Schumann est président d’honneur. La Région Nord-Pas-de-Calais sous la présidence de Marie-Christine Blandin décide d’allouer une somme de plus de 30.000 francs de manière à ce que l’association, qui a son siège dans la commune native de l’Abbé, puisse acheter des livres neufs et ...anciens. A côté du musée et de la bibliothèque, un centre de recherche est prévu, sur l’abbé mais aussi le christianisme social et la démocratie-chrétienne.
Acte 3 : Au cours des années 90, André Diligent participe aux assemblées générales de l’association qu’il tente de présider comme il peut. Sa santé décline et en 1994, il renonce à la Mairie de Roubaix. L’association vivote. Dans « la charrue et l’étoile », ouvrage-testament publié par André Diligent en octobre 2000, le sénateur roubaisien consacre un chapitre entier (page 39 à 56) à l’Abbé Lemire et indique de nouveau que Lemire est un homme « d’exception et hors du commun ». Il dit l’avoir souvent rencontré quand il était tout jeune, l’abbé d’Hazebrouck étant très lié à son père Victor Diligent, compagnon de route des sillonistes Marc Sangnier et Natalis Dumez. La transcription récente des cahiers de Jules Lemire (initiative extraordinaire due à l’opiniâtreté de Jean-Pascal Vanhove et Jean-Pierre Delannoy) l’atteste, avec par exemple cette note de l’abbé du 17 octobre 1926 (page 1808) : « Souper chez le brave et dévoué Diligent, entouré d’une belle famille ».
Acte 4 : On retrouve un bout de tissu chez André Diligent après sa mort. Il n’a pas fallu faire appel à des experts pour arriver à la conclusion qu’il s’agissait du rabat de l’abbé Jules Lemire, la soutane la plus populaire de France. D’autant que le Sénateur du Nord répétait à l’envi qu’il avait chez lui cette relique. En 2005, pas fétichistes, nous remettons via Pierre Kerlévéo qui est assidu des assemblées générales de la nouvelle association « Mémoire de l’Abbé Lemire » présidée par Gilbert Louchart et qui a cette fois son siège à Hazebrouck, le précieux tissu à ceux qui n’ont de cesse que de valoriser le parcours de cet abbé démocrate et profondément républicain. Un article de presse consacre ce « don », le bulletin n°9 de l’association affiche « l’événement » en une et le rabat de l’abbé Lemire prend la destination de la maison de l’Abbé, au pied de l’église St Eloi. Il est aujourd'hui en bonne place dans une vitrine dans le couloir de la maison qui se visite l’après-midi de chaque premier dimanche du mois.
Acte 5 : 10 ans après le décès d’André Diligent, en 2012 donc, une poignée de fidèles de l’ancienne figure roubaisienne, décident de créer une association. Non pas pour le glorifier mais lancer une dynamique de recherche sur le christianisme social (un écho à la subvention régionale de 1992...). Entre passé et avenir d’un courant de pensée dont André Diligent avait lui-même reçu en héritage et dont il pensait qu’il avait irrémédiablement un avenir. La nouvelle association "Les Amis d'André Diligent" qui affiche dans ses statuts une volonté partenariale, intègre dans son conseil d’administration un représentant de l’Amicale du MRP, de l’Institut Marc Sangnier, de l’association souvenir de la résistance et des fusillés du fort de Bondues et...un représentant de l’association « Mémoire de l’Abbé Lemire ». Gilbert Louchart, président actif sur Hazebrouck répond positivement à l’opportunité en dépêchant sur le terrain de la représentation la plume du bulletin et nouveau biographe de l’Abbé, Jean-Pascal Vanhove. L’homme est assidu et prend une part active à tous les rendez-vous de l’association, présente sa biographie lors de l’assemblée générale d’octobre 2013, juste avant la grande sortie de l’édition des cahiers (en lien avec Jean-Pierre Delannoy). Se dessine donc au sein de l'association des Amis d'André Diligent, tout naturellement, l’idée d’une journée Diligent sur l’Abbé Lemire à un horizon plus ou moins lointain, quand les journées d’étude seront bien rôdées. La date de 2017 est posée sur le calendrier des rendez-vous à préparer.
Acte 6 : Une très belle journée s’est déroulée à Hazebrouck ce 3 février 2017. Ouverte par le maire actuel, elle a vu se succéder les historiens Jacques Prévotat et Bruno Béthouart, le juriste Jean-Pierre Delannoy, le biographe Jean-Pascal Vanhove qui ont montré comment l’abbé démocrate puis républicain était un véritable apôtre du catholicisme social, terrain sur lequel il avait retrouvé Victor Diligent. Toute une génération avec Marc Sangnier qui n’a eu de cesse que de vouloir rapprocher l’Eglise et le Peuple. Dans l’esprit du Sillon, ils se pensaient certainement ni de droite, ni de gauche, mais en avant ! Jean-Pierre Bailleul, infatigable observateur de la vie locale, raconta comment il aida André Diligent, fils de Victor, à atterrir à Hazebrouck en 1978. Atterrissage impossible. L’actuel président de l’association « Mémoire de l’abbé Lemire », Jean-Philippe Le Guevel, montra de la plus belle des manières que la postérité de "l’abbé précurseur" est réelle. Coté institution catholique, en 1993, Mgr Defois était venu en visite à l’église St Eloi pour redire que Lemire avait toujours fait partie de l’Eglise. Des acteurs actuels du territoire ont tous pu dire à quel point l’Abbé est présent et bien présent en 2017. Au-delà des statues, plaques de rues, monuments, il semble que « la manière dont Jules Lemire a réussi à parler aux hommes de son temps avec les moyens de son temps » soit une source vive d’inspiration pour notre temps. En faisant une grande distinction tout en étant très croyant et très républicain, Jules Lemire montre incontestablement un chemin dans une actualité brûlante devait souligner en conclusion l'historien Jean-Marc Guislin.
Acte 7 : Il reste à écrire…A noter que l’association « Mémoire de l’Abbé Lemire » tient son assemblée générale le samedi 4 mars prochain à Hazebrouck et que la Maison de l’Abbé est ouverte tous les premiers dimanches du mois de 14h30 à 17h.
29/11/2016
En avant-première, le programme de la journée Hazebrouckoise du 3 février 2017
Nous sommes heureux de vous présenter le programme de la journée d'étude du vendredi 3 février 2017 à Hazebrouck sur les terres de l’Abbé Lemire !
Nous commençons, par ailleurs, à préparer la journée de février 2018 qui se tiendra à Roubaix (Diligent Avocat) et celle de février 2019 au Sénat (Diligent aux frontières), année du centenaire de la naissance d’André Diligent.
Vous le voyez, votre association ne manque pas de projets et elle mène toutes ses activités grâce à la cotisation de ses membres cotisants. Merci à eux ! Merci à vous !
18:53 Publié dans Actualités, Christianisme social, Journée d'étude, Journée du 3 février 2017, Livre, Personnalités, Science | Lien permanent | Commentaires (0)
23/10/2016
Une République apaisée...à redécouvrir ou la laïcité en débat !
Questions et échanges autour de la présentation de la récente publication universitaire de Christophe Bellon, biographie d'Aristide Briand (en photo).
Questions (conclusion de la conférence de Christophe Bellon) :
* Le moment dit de Séparation révèle donc un certain nombre d’enseignements, de leçons politiques :
- modération, consensus, discernement ont entraîné une législation qui aurait pu attiser le conflit entre les Eglises et l’Etat. Mais c’est bien l’apaisement qui triomphe.
- la laïcité, en cela, apporte une solution libérale aux tensions entre les Eglises et l’Etat, sous la forme d’un pacte, d’un donnant-donnant : la République assure la liberté de conscience ; elle garantit le libre exercice du culte. En échange, elle ne rémunère plus les religions ; il n’y a plus de budget des cultes ; seule limite à la liberté de croire ou de ne pas croire : le respect de l’ordre public.
- ceci s’est accompli dans le respect de l’adversaire, par des accommodements raisonnables, sur des questions de fond parfois essentielles et au nom du devoir d’intelligence, en associant l’adversaire à l’élaboration de la loi. C’est en quelque sorte le respect de l’honnêteté intellectuelle qui est ici en jeu et qui a contribué, sans exclure l’autre, à construire « la maison commune de la laïcité », dans laquelle le vivre ensemble est atteint et dépassé.
- ce comportement a réussi à enraciner la législation durablement, dans le temps, jusqu’à donner vie à une République apaisée, et à un courant centriste, au fondement notamment de la démocratie chrétienne en France.
- Même les évêques de France le reconnaissent, aujourd’hui encore (cf. déclaration des évêques de France, 9 décembre 2015, pour les 110 ans de la loi de Séparation : « la loi fut mise en œuvre dans un esprit de d’apaisement, de sagesse et de conciliation : elle a trouvé de justes équilibres. ») ; « Séparation, oui », mais sans instaurer de « mise à l’écart » ou d’ignorance des religions. Une loi voulant favoriser l’exercice des libertés.
* objectif toujours d’actualité : ensemble réussir à imaginer et à construire l’avenir de notre pays dans le respect de chacun en reconnaissant l’apport de tous à la collectivité : la loi de 1905 a permis cela.
- Le nouveau siècle aura-t-il son régime des cultes ?
- Le XIXème siècle, après la Révolution française, a eu le Concordat.
- Le XXème siècle, après les tensions entre Eglises et Etat au XIXème et les tensions de la fin du XIXème avec l’affaire Dreyfus, a eu la Séparation.
- L’avenir dira si le XXIème siècle, comme les siècles le précédant, aura un nouveau cadre juridique et laïque libéral. Et, il reste, en effet, des questions majeures à régler : financement des lieux de culte ; formation des imams en France ; peut-on /doit-on parler d’un islam de France ?
- Sur ces questions, des hommes et des femmes de bonne volonté, indignés, se sont, hier, engagés dans la voie de la modération pour régler une question qui, en grande partie, les dépassait. Mais on se souvient des paroles d’Emmanuel Mounier, qui appartiendra au même courant de pensée, en tout cas au même tempérament de ces hommes de bonne volonté : « un rocher bien placé peut corriger le cours d’un fleuve ». Le rôle des hommes est naturellement aussi très important à côté de la méthode et des idées.
- Ces acteurs politiques ont été guidés par le courage et la détermination, mais avant tout furent conscients de leurs responsabilités et soucieux de l’avenir des générations. Leurs convictions et leur souci de juste milieu en ont fait des parlementaires et des ministres de la sérénité sociale.
- comme pour tous ceux dont la liberté guida les pas, pour atteindre leurs objectifs, ils allèrent chercher le plus loin possible à l’intérieur d’eux-mêmes.
Echanges :
Briand l’oublié ? Finalement on se réfère peu à lui…
On commence à re-débattre mais pédagogiquement, ce n’est pas facile (alors que c’est essentiel)
La position récente du Conseil d'Etat sur les mairies...c’est « l’esprit Briand » (la rapportrice insiste sur la dimension pacificatrice)
Qui sera l’Aristide Briand d’aujourd’hui ?
A Roubaix, on semble en avoir trouvés….
A Roubaix, en 2014, une charte communale sur l’exercice des cultes (Initiative de Pierre Dubois) http://www.ville-roubaix.fr/actualites/actualite-detaillee/artic...
Pierre Dubois (ancien maire) souligne que ceci est « dans la foulée » d’André Diligent qui avait œuvré pour cette « pacification ». Capacité de dialogue et de rencontre, pour se comprendre et se connaître. Il rappelle que de manière inédite à ses funérailles, après François Bayrou, un musulman (Ali Rahni porte parole de l'association Rencontres et Dialogue) prend la parole.
La laïcité: respect mutuel sur des règles communes.
Une ancienne élue se souvient qu’en 1983, Diligent réunissait déjà tous les responsables des cultes
Perspectives:
-La loi de séparation a installé et a eu vocation à moderniser la République à une époque où le décalage était grand avec les Etats-Unis.
-Avec l’Islam, ce qui n’est donc pas supportable…dans la République, c’est le pilotage par l’extérieur.
-C’est donc la même question qui demeure…sur un autre front.
-Trouver des liens où se parlent des chrétiens sociaux (par définition républicains) et des militants en islam et républicains. A ce prix, nous arriverons à œuvrer pédagogiquement sans devoir en appeler, au gré de l’actualité, à de nouvelles lois.
Conclusion de Bruno Béthouart : André Diligent a travaillé sur des chantiers importants. Le choix de Diligent aux frontières pour 2019 (Colloque du centenaire au Sénat) s’affirme vraiment et au regard de l’échange du jour, on voit qu’il s’agit là d’un personnage politique assez unique qui pose de vraies questions pour aujourd’hui et demain. Merci à Christophe Bellon de nous avoir ainsi aidé et le travail continue.
Pour aller plus loin: Samedi 5 novembre 2016 fabrique de la laïcité au Haumont (Collectif de plusieurs associations dont les Semaines sociales de France).
Informations et inscriptions : ci-dessous
Le power-point de l'assemblée générale du 22 octobre 2016
Laïcité, j'écris ton nom
Le samedi 5 novembre 2016 de 9h30 à 17h
Au Centre Spirituel du Hautmont, à Mouvaux.
Comment vit-on la laïcité dans notre quotidien, dans les différentes sphères de notre société : collège, université, hôpital, médecine de ville, police, milieu carcéral, justice, médias, entreprise, … ?
Débat « difficile » surtout en ces temps troublés ?
Prenons le temps d’un échange respectueux et bienveillant pour y voir plus clair.
En petits groupes, à partir de récits d’expériences de personnes impliquées dans ces différentes sphères,
découvrons l’esprit de ce « vivre ensemble », sans angélisme mais avec espérance.
Avec Nicolas Cadène, Rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité
(Entité rattachée au Premier Ministre et présidée par JL Bianco).
détails et précisions
Centre Spirituel du Hautmont- 31 rue Mirabeau - 59420 Mouvaux - Tél. : 03.20.26.09.61
Démarche positive proposée par le Collectif Lille-Roubaix-Tourcoing « La fabrique de la laïcité »
(Centre Spirituel du Hautmont, Identité plurielle, Citoyens engagés, Semaines sociales Nord-Pas-de-Calais, Servir, Coexister, Diocèse de Lille)
07/10/2016
Aristide Briand à Roubaix le samedi 22 octobre à la Médiathèque Grand Plage (15h30)
Après l'assemblée générale des Amis d'André Diligent le samedi 22 octobre à 14h (Médiathèque Grand Plage, Grand Place - Métro et parkings à proximité), présentation de la biographie d'Aristide Briand avec un thème:
" Aristide Briand et les leçons de la laïcité : concordance avec notre temps ".
"Aristide Briand (1862-1932) a tout connu de la vie politique. Il dirige onze fois le gouvernement de la France, et à vingt-cinq reprises, il en est l’un des ministres, aux postes les plus divers : Instruction publique, Beaux-arts, Cultes, Justice, Intérieur, Affaires étrangères. Un art de gouverner qui fait de lui un orfèvre des majorités parlementaires.
C’est ainsi que, de tempérament libéral, il sépare les Églises et l’État en 1905, puis les réconcilie en 1921. Président du Conseil le plus durable du premier conflit mondial, il dirige le gouvernement de guerre pendant dix-huit mois, de Verdun à Salonique. Parce qu’il a fait la guerre, il choisit de « gagner la paix ». Au cours des années 1920, il incarne la réconciliation de l’Europe, en homme dont « la vérité guidait les pas ». Il donne vie à la première forme d’Union européenne. Robert Schuman et Jean Monnet sauront s’en souvenir, vingt ans plus tard.
Père de la laïcité moderne, chef de guerre, pacificateur de l’Europe naissante : trois clefs de compréhension du personnage, autant de questions auxquelles nos sociétés contemporaines sont aujourd’hui confrontées.
Une biographie captivante pour comprendre celui qui incarna le « Parlement de l’éloquence »."
Christophe Bellon est maître de conférences en histoire contemporaine à l'université catholique de Lille. Il est l'auteur de nombreux travaux sur l'histoire politique et parlementaire du religieux dont La République apaisée. Aristide Briand et les leçons politiques de la laïcité (1902-1919). Lauréat du prix de thèse de l'Assemblée nationale, il est membre correspondant du Centre d'histoire de Sciences Po Paris.
Christophe Bellon, Aristide Briand, CNRS Editions, mars 2016, 382 p.
https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histo...
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29/05/2016
Les Amis d'André Diligent saluent la mémoire de Casimir Destombe
Casimir Destombe est décédé cette semaine. Les Amis d'André Diligent rendent hommage à cet homme d'une gentillesse extraordinaire, un résistant de la première heure dont les funérailles auront lieu ce lundi 30 mai à 10h30 à Bondues.
Il était venu à la conférence sur Natalis Dumez en octobre 2015, avec son fils (au second plan) mais avec tous ses souvenirs, du haut de ses 90 ans (conférence ci-dessous, après le portrait de Casimir Destombe).
Casimir Destombe est né le 9 octobre 1925 dans une petite ferme à deux pas de ce que va devenir plus tard le Musée de la Résistance. Et pour cause, il s’est totalement impliqué dans la résistance active.
Dès l’âge de 15 ans, le 15 avril 1941, Casimir Destombe entre en résistance. Une partie des terres de la ferme familiale, située à l’entrée de Bondues, était occupée par l’aérodrome, tenu par les Allemands. Bénéficiant d’un laissez-passer, il avait tout loisir d’observer les allées et venues de l’aviation allemande, l’emplacement des stocks de munitions. Autant d’informations capitales qu’il transmettrait à Lille, notamment à Natalis Dumez, cofondateur de La Voix du Nord.
Casimir Destombe a activement participé à la diffusion du journal clandestin Voix du Nord. Tout comme il peignait des « V » de la victoire sur les murs de la ville de Bondues ou accrochait des drapeaux tricolores aux fils électriques.
Casimir Destombe consacrera sa vie à la résistance. Il sera élu à la Libération et ne quittera définitivement sa fonction de guide au Musée qu’en 2015. Jusqu’à cette date, il se fait le devoir de recevoir les classes d’enfants qui doivent savoir.
André Diligent avait pour Casimir Destombe à la fois reconnaissance et affection. C’est à lui qu’il confiait son pouvoir quand il ne pouvait pas se rendre à l’assemblée générale de Ceux de la Voix du Nord. Le 20 septembre 2013, Casimir Destombe a été fait chevalier dans l’ordre national du mérite par son ami et ancien résistant, Jacques Desbonnet.
Dans une allocution empreinte à la fois d’émotion et d’humour, Casimir Destombe a voulu rendre hommage à ses parents et son épouse, « ses chers disparus », ainsi qu’aux « hommes et femmes qui n’ont pas baissé la tête face à l’ennemi ». Parmi eux, dans le public, se trouvait Edgar D’Hallendre, dernier résistant du mouvement Voix du Nord, dont le père a été fusillé au fort de Bondues, comme soixante-sept autres personnes. Un hommage leur a été rendu dans la cour sacrée.
Musée de la Résistance de Bondues, 16 Place de l'Abbé-Bonpain – Tél : 03 20 28 88 32.
Casimir Destombe, « Témoignage – Paysans dans la Résistance », in Robert Vandenbussche (dir.), L'engagement dans la Résistance (France du Nord - Belgique), Villeneuve d'Ascq, IRHiS (« Histoire et littérature de l'Europe du Nord-Ouest », n° 33), 2003, mis en ligne le 15 octobre 2012 : http://hleno.revues.org/501
Je suis né à Bondues le 9 octobre 1925, à la ferme du château de la Folie. Mes parents étaient agriculteurs et exploitaient une ferme de 40 hectares, 4 gros chevaux comme on disait à l’époque, c’était une ferme importante. Je vais vous retracer l’histoire d’une famille face à l’occupant.
2 Tout d’abord, il y a eu l’occupation allemande. Quand les Allemands sont arrivés, la première réaction fut un élan patriotique, mes parents avaient connu la guerre de 14 et tout de suite on a saboté, jeté des armes et du matériel dans la mare aux canards. Nous avons caché également quelques armes sous les soupentes du grenier. Puis il y a eu les soldats français, anglais qui ne savaient plus où aller. Alors nous les avons aidés ! Nous leur avons donné des vêtements, de la nourriture. Il y avait même des soldats d’Afrique qui s’étaient battus vaillamment à Emmerin, à Haubourdin, à Loos et qui sont passés par la ferme. Ils avaient faim, on leur a donné des tartines et du jambon et ils l’ont mangé, en disant : « Ça fait rien, c’est la guerre ! »
3 En septembre 1940, le 6 septembre, ma mère a fait 6 mois de prison parce qu’elle avait écouté Londres, insulté l’armée allemande en traitant un Allemand de « Schwein » et n’avait pas remis à la Kommandantur la plus proche les tracts jetés par les avions. Quand elle est sortie, elle était encore plus acharnée qu’avant !
4 M. Natalis Dumez, cofondateur du journal clandestin La Voix du Nord, est allé rue de Tenremonde à Lille à la Caisse du Crédit Agricole, dont mon père était président (il était aussi vice-président des agriculteurs du Nord). Il lui a demandé s’il pouvait venir à la ferme de la Folie. Un rendez-vous a été pris. M. Dumez est venu à la ferme du Fort et il a observé sa situation stratégique. Il a demandé si on pouvait fournir des renseignements sur le champ d’aviation et sur le fort car nous étions dans la zone interdite de ces deux sites. Nous avons fourni des renseignements pendant toute l’occupation ; c’était notre travail si l’on peut dire. Il fallait noter le nombre de bombardiers Heinkel qui partaient pour l’Angleterre et le nombre de ceux qui revenaient ; il y avait également des avions de chasse, des Messerschmitt, des Stukas. Il fallait indiquer l’emplacement des dépôts de munitions, d’essence, des batteries de DCA, des phares antiaériens, des hangars d’avions qui étaient disséminés dans toute la campagne et cette dispersion nous a valu douze bombardements contre le champ d’aviation, impraticable pendant quelque temps. Les batteries DCA, qui étaient sur le fort ont sauté. Quant à notre exploitation agricole, elle a subi 10 bombardements, 112 grosses bombes et 738 petites, des bombes à éclats. Un jardinier a été tué, un nommé Herbaut de Bondues ; 16 bœufs charolais tués, 1 cheval blessé et une grande partie des bâtiments détruite.
5 Voilà le travail qu’on a fait. Ces renseignements que je prenais, je les portais à Lille à Mme Parmentier, au 1er étage, au-dessus d’une boucherie, rue Masséna à Lille en bicyclette ou en tramway. Il y a eu aussi le STO qui avait été instauré par Laval en 1943, tous les jeunes de 20 à 22 ans devaient aller travailler en Allemagne. Il y avait 3 solutions : rejoindre le maquis ou alors les Forces Françaises Libres, les forces combattantes, travailler dans les mines (les jeunes travaillaient certes quand même pour les Allemands, mais ne partaient pas en Allemagne) ; les travaux agricoles. À la ferme Destombe, on avait toujours une grande quantité de réfractaires, on avait des Belges, des Français, des Polonais, et malgré la présence des Allemands dans la ferme, ils pouvaient travailler en toute tranquillité car on leur fournissait des vraies-fausses cartes d’identité qu’on obtenait d’un commissaire spécial à la Préfecture de Lille qui s’appelait M. Kervarec. Quand on recevait les vraies-fausses cartes, le jeune n’avait plus qu’à mettre son âge, à se rajeunir ou à se vieillir. Les réfractaires tournaient beaucoup à la ferme ! Il y a eu aussi la réquisition des chevaux. C’était en 1944. Le 8 mars 44 on a reçu de la mairie de Bondues une convocation nous demandant de « livrer » le cheval Mémère avec un licol et des harnais en bon état. Quelques agriculteurs et moi, nous sommes montés sur des chevaux et sommes allés au lieu-dit du Lazaro qui se trouve à 2 kilomètres de la ferme à vol d’oiseau ; on interceptait les fermiers qui répondaient à la réquisition et on leur faisait faire demi-tour, ce qu’ils n’auraient peut-être pas osé faire par peur des représailles. Parmi les intercepteurs, il y avait quelques agriculteurs de Bondues, je peux les citer : Omer Catry, Hennekens, Pierre Couvreur et moi-même. La réquisition n’a pas eu lieu. Un mauvais souvenir : le contrôle économique. On était obligé d’avoir des carnets d’exploitation sur lesquels il fallait noter le nombre de poules, de vaches, de cochons, de moutons, le blé et les pommes de terre qu’on possédait ; il fallait tout noter. Et il y avait donc des contrôleurs économiques qui venaient régulièrement. Ils étaient vicieux et ils faisaient tout pour nous piéger et nous faire dire que nous donnions de l’alimentation à des réfractaires… Tout ça, c’était pour obtenir des victuailles, des pommes de terre, du beurre, mais il ne fallait pas se laisser prendre sous peine de corruption de fonctionnaires. Ils étaient
6 Terribles ! On a fait du transport d’armes, d’une mitraillette allemande de Bondues jusqu’à Lille. On l’avait enveloppée dans un drap blanc et en passant au "Beau Jardin" où il y avait un poste allemand, Mme Parmentier qui m’accompagnait (parce qu’une mitraillette allemande c’était assez lourd) m’a dit : « Si les boches savaient ce qu’on transporte, on passerait un mauvais quart d’heure ! » Ça ne m’étonne pas… et je ne serais plus là pour vous le raconter aujourd’hui.
7 Il y avait également notre attachement aux Anglais et au Général de Gaulle. Ainsi, la population de Bondues a offert aux soldats anglais tombés sur son territoire lors des combats de 1940 des plaques en marbre blanc avec un petit drapeau tricolore, une palme dorée et une citation : « Hommage de la population de Bondues à… ». Onze plaques furent ainsi garnies pour la Toussaint 41. Cette année-là, il n’avait pas gelé, il y avait des dahlias dans les jardins. Nous avons confectionné des croix de Lorraine avec des morceaux de bois et du fil de fer et le matin même de la Toussaint, ma sœur et moi, nous avons porté, sur le porte-bagages de nos bicyclettes, les croix de Lorraine au cimetière de Bondues et nous les avons déposées sur les tombes des Anglais.
8 Bien sûr, on pourrait parler aussi de la distribution des journaux clandestins, La Voix du Nord, La Voix de la Nation, La Terre, La Pensée Française, etc. On distribuait ces journaux dans les maisons amies.
9 Pour conclure, on pourrait dire que, pendant 4 ans, on a fait ce que l’on pouvait pour narguer les soldats allemands et, à la Libération, ma mère a eu un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française, à partir du 15 juin 1940, c’est-à-dire trois jours avant l’appel du Général de Gaulle. Moi, j’ai été convoqué à la mairie de Bondues pour faire partie du Comité provisoire de la Libération de la commune de Bondues.
Natalis Dumez – Conférence de Marie-France Claerebout dans le cadre de l’Assemblée Générale le 20 octobre 2015 à la Médiathèque de Roubaix, Grand Plage.
Les Amis d’André Diligent avaient demandé à Marie-France Claerebout (ci-dessus et ci-dessous) de faire une conférence en amont du livre qu’elle est en train d’écrire. Elle s’est prêtée à l’exercice en livrant force détails et informations sur la vie de Natalis Dumez, en présence de sa fille Chantal, de plusieurs membres de la famille Dumez et de Casimir Destombes, attentif au 1er rang.
Natalis Dumez, ami des Diligent (Victor et André).
Chantal Dumez, la fille de Natalis, est d’une fidélité sans faille à la famille Diligent. Elle raconte toujours comment elle avait eu la chance, petite, de sauter sur les genoux d’André Diligent. Ce dernier parlait souvent de « Dumez comme secrétaire de Lemire » mais ce point était flou, voire discuté. A la faveur des travaux récents de Marie-France Claerebout, c’est tout un voile qui se lève sur la vie de cet homme remarquable. Raison de plus pour reprendre ici le fil de la conférence qu’elle a donnée à Roubaix, le 20 octobre 2015.
Natalis Dumez a vu le jour à Bailleul, en pleine période d’industrialisation, dans une famille bourgeoise cultivée. Il apprend la charité chrétienne auprès de sa mère. Les files devant le bureau de bienfaisance de la ville révoltent celui qui a 15 ans en 1905. Il fait la connaissance de l’Abbé Lemire lors des inventaires des biens de l’Eglise. C’est le député d’Hazebrouck qui lui a parlé de Marc Sangnier. Ainsi, il rejoint le groupe du Sillon du Nord animé par Victor Diligent. Dans un courrier adressé le 1er octobre 1907, Natalis Dumez, âgé de 17 ans, lui présente la ville de Bailleul, indique qu’il diffuse le journal l’Eveil Démocratique et l’invite à venir dans sa ville. Il témoigne d’un véritable esprit d’initiative et il veut toucher la population.
Une lettre du 15 mai 1909 atteste que Natalis Dumez et Victor Diligent se connaissent mieux.
C’est l’époque où Dumez se met en opposition avec sa propre famille. Doté de talents oratoires, il reste en contact avec l’Abbé Lemire et se propose de devenir son secrétaire. Pendant deux ans au moins, il vit à Paris dans son appartement, au 28 de la rue Lhomond. Il accompagne l’Abbé. Il contribue à l’aventure du Cri des Flandres (Voir sur ce point le numéro 31 de janvier 2016 de l’association Mémoire de l’Abbé Lemire, page 14-17). Jules Lemire ne parle pas de Natalis Dumez nous dit Marie-France Claerebout, mais des adversaires de Lemire parlent de lui. A 20 ans, Dumez part faire son service militaire à Calais. Il dénonce les mauvais traitements des soldats. Son rêve de jeunesse est d’être journaliste. Il correspond beaucoup avec sa famille de lettrés. Et aussi abondamment avec Jules Lemire. Beaucoup de lettres attestent d’un ton surprenant. Il s’indigne ici en voyant tomber les jeunes. Il ne parle pas de lui. Il s’attend à ne pas rentrer. Il demande à Lemire d’intervenir auprès du Ministre de la guerre.
En 1918, il parvient à avoir des nouvelles de sa famille. Bailleul, ville anglaise à l’arrière-front où les voitures à chevaux roulent à gauche, est finalement envahie par les allemands. La ville est bombardée, la famille de Natalis Dumez se réfugie à Hardelot. Devant une ville où il ne reste rien, Dumez pense à ses concitoyens. Il crée un bulletin de liaison, « l’appel du foyer », qui sera rédigé dans les tranchées. Blessé, à l’hôpital, il évoque les abonnements. Il écrit pour garder le moral des personnes. Il a un attachement viscéral à ce qui reste de sa ville et son objectif est maintenant d’inciter à revenir et à rebâtir la ville meurtrie. A Hardelot, la famille Dumez avait loué une maison en face de celle de l’architecte Louis-Marie Cordonnier. Ils ont l’occasion de se parler. En 1919, Natalis Dumez est élu maire de Bailleul. Cela l’intéressait-il vraiment ? Ce qui est certain, c’est qu’ayant eu à déplorer les conditions dans lesquelles vivaient les ouvriers, il entrevoit une occasion de faire une ville plus saine. Bailleul a perdu beaucoup de ses enfants. Tout est symbole pour lui dans la reconstruction à commencer par le monument aux morts. C’est l’architecte Louis-Marie Cordonnier qui vient encadrer les travaux. Par respect des traditions et d’une forme de modernité, Bailleul est ainsi devenue une des plus belles villes du Nord.
Homme élégant, il a épousé la fille d’un gros industriel. Il prend des risques avec les fonds de la ville. Dès 1926, les chantiers de la coopérative de reconstruction freinent…Il se retrouve dans une tourmente financière, en plaçant l’argent de la commune et en s’endettant de plus en plus. Au point de se constituer prisonnier en 1928 à la tête d’une ville endettée. Ses adversaires le qualifient d’escroc mais il s’explique : « Enhardi par les résultats obtenus, je n’hésitais pas à écarter les obstacles. Je fis des placements qui devaient apporter des intérêts. Ce que je possédais ne suffit pas à combler. Pris dans un engrenage…loyalement je déclare ma situation au procureur de la République ».
Toujours proche du courant du Sillon de Marc Sangnier, souligne Marie-France Claerebout, Natalis Dumez adhère à la Jeune République. Il prend goût au fait de pouvoir changer les choses. Candidat aux cantonales, il s’est « mis à dos » l’Abbé Lemire. Ils se sont réconciliés.
Après une peine de prison…Natalis Dumez entame la seconde partie de sa vie. En 1940, il vit à Lille-Fives, seul. Les deux frères Dumez voient les Allemands entrer dans Lille. Natalis marche auprès des prisonniers et arrive à en faire enfuir quelques-uns. Il a envie de participer au réseau d’évasion. L’intelligence service anglaise a besoin de récupérer ses hommes. Dumez va faire la connaissance de Jules Noutour, un syndicaliste socialiste qui partage les mêmes valeurs que lui. La presse est dans la main de l’occupant et ils créent une petite feuille de liaison pour inciter à ne pas se laisser faire. La Gestapo est sur la piste de Dumez en juin 1941. C’est à Lezennes, chez les Duriez, des résistants actifs, que les numéros de la Voix du Nord clandestine sont rédigés. La Gestapo le trouve en septembre 1942. Il rentrera de déportation dans un état lamentable mais il sait que son journal l’attend. Il voit loin et pense à la Libération. La Voix du Nord doit être porteuse des idées de reconstruction du pays.
Ainsi, en juin 1945, il fait un discours devant les résistants survivants à Fives. Il évoque le journal de demain face la perte de 500 résistants. Il a des idées novatrices sur l’organisation d’un journal avec la participation de tous. C’est l’équipe éditoriale du Grand Echo qui se retrouve à la tête. Commence ici toute l’histoire de la Voix du Nord. Les spoliés de la Voix du Nord ont trouvé un jeune avocat, André Diligent. Un avocat courageux qui risque son image pour une cause perdue. Diligent va donc défendre Ceux de la Voix du Nord.
De son côté, Natalis Dumez qui est un pacifiste engagé va participer, toujours à côté de Marc Sangnier, au mouvement pour la paix. On le retrouve ainsi à Vienne en 1952 où il rencontre des responsables de la RDA. Il se rapproche d’autres mouvements de résistants (Fédération internationale des anciens résistants). Il reste profondément chrétien, il pense que tous les hommes peuvent se parler et se rencontrer. Il est sensible au sort de la pauvre Pologne. Proche des prêtres ouvriers et recevant des Monseigneurs, Natalis Dumez semble bien avoir eu une vie extraordinaire. En rentrant de déportation, il écrit Le mensonge reculera.
Marie-France Claerebout souligne que l’énergie, en lui, ne s’est jamais éteinte.
Celui qui a beaucoup lu Péguy a mené des combats pour la vérité, pour la dignité.
En 2011, la Voix du Nord reconnaissait son titre de véritable fondateur du titre. A Bailleul, les plaques ont fleuri à l’attention de celui qui a légué une aussi belle ville.
Denis Vinckier