06/02/2016
La page de la 5ème journée se referme...d'autres s'ouvrent !
Nous venons de refermer la page de la 5ème journée d'études, consacrée aux deux mandats de maire d'André Diligent: 1983/1989 et 1989/1994. C’est en 1977 qu’André Diligent s’est lancé à l’assaut de la Mairie de Roubaix. Il a échoué de peu avec 47% en partant de 2% dans les sondages. Ce score, il a pu le réaliser grâce à un travail patiemment construit autour et avec les équipes du GAR (Groupement d’Action pour la Sauvegarde de Roubaix). Hubert Caron (1ère photo) a parfaitement expliqué ce 5 février 2016 que ce score final ne devait rien au hasard. Le GAR et son animateur en chef avaient jeté les bases d’une organisation participative exemplaire.
Après la défaite de 1977, André Diligent s’imagina certainement aller gagner sur les terres politiques de l’abbé Lemire à Hazebrouck. Nous explorerons cette affaire lors de la journée d’études du vendredi 3 février 2017 en partenariat avec l’association « Mémoire de l’Abbé Lemire ».
Ce ne fut pas le cas et Roubaix pu le garder. C’est Hubert Caron, toujours lui, qui devait réussir à convaincre André Diligent de repartir à la bataille pour 1983. La décision est prise dès 1980 et le GAR se remet en marche, d’une manière toujours plus participative et professionnelle. Les couleurs du GAR sont au vert. L’espoir est de mise. Une grande place est faite à la société dite civile, aux citoyens engagés dans la cité. Le GAR organise des fêtes familiales, des balades champêtres à la campagne. Des questionnaires sont lancés, des militants sillonnent les quartiers et remontent les difficultés rencontrées avec des plans formidablement bien renseignés. Rien n’est laissé au hasard. Cette dynamique va prendre et elle est tellement efficace qu’André Diligent gagne l’élection municipale de 1983…dès le premier tour. La ville des socialistes Jules Guesde, Jean Lebas, Victor Provo puis Pierre Prouvost voit un centriste s’installer dans le fauteuil de maire.
André Diligent arrive à la mairie avec toute son expérience nationale et locale. Nationalement il est secrétaire général du Centre des Démocrates Sociaux (CDS). Localement, il est élu à Roubaix depuis 1947, adjoint de Victor Provo, le maire socialiste qui avait pleinement joué le jeu des alliances MRP-SFIO (Nous avons produit dans le cadre de cette journée une carte inédite adressée par Victor Provo à André Diligent en septembre 1983: il le félicite pour le mandat de Sénateur qu'il n'aurait jamais du perdre, quoiqu'il en couta au parti socialiste)...Jusqu’en 1976 où Victor Provo annonce qu’il n’ira pas plus loin. L’union de la gauche est de mise, on ne parle plus d’alliance entre progressistes. Hubert Caron qui avait été le président du Conseil des jeunes de Roubaix à sa création en 1966, prend acte de cette fracture. Il parle avec Pierre Catrice qui est l’homme de Diligent. Ensemble, ils pèsent le pour et le contre. Hubert Caron s’engage avec Pierre Catrice, André Diligent et Michel Baudry. Les politiques ont fait alliance avec la société civile. Le GAR développe sa stratégie qui ne suffit pas pour gagner en 1977 mais on connait la suite : cette stratégie est gagnante en 1983. A partir de là André Diligent sait qu’il ne dormira plus vraiment. Il avait promis à ses équipes du travail, du travail et du travail en cas de victoire. André Diligent connaissait par cœur la situation des courées de Roubaix. Il avait en tête le passé industriel de la ville et il devient maire en pleine crise. S’il est maire c’est pour redonner de l’espoir, le vert du GAR. Mais c’est aussi pour sauver Roubaix. C’est le nom de sa liste.
Pour Sauver Roubaix, André Diligent va utiliser de son influence nationale. Il va battre le pavé des Ministères, des préfectures. Dès avril 1983, le Président Mitterrand vient sur place constater la situation. Diligent arrive à mettre en scène au bénéfice de Roubaix cette visite. Dans son premier bilan de mandat en 1989, il cite Mitterrand comme témoin d’une situation roubaisienne qu’il a commencé à relever. Il met en scène Roubaix et les Roubaisiens. Pour André Diligent, cela fait partie du récit qu’il raconte mais dont les acteurs sont bien réels, Roubaix est une petite patrie. Lui est juste le capitaine. Mais le barre est bien tenue. Pour preuve, avant le renouvellement de son mandat, il obtient des mains de Mireille Matthieu, la Marianne d’Or pour sa ville. Diligent est radieux pour « ses » Roubaisiens.
Il n’aura de cesse de batailler à la communauté urbaine de Lille. Il cherche à convaincre Arthur Notebart que mettre de l’argent dans la réhabilitation du bâti existant c’est plus important que d’investir dans une ville nouvelle. Diligent invente presque le concept de ville renouvelée. C’est là que doivent aller les crédits de la rénovation urbaine. Il se bat pour Roubaix, son image, ses façades, ses lignes, ses courbes, ses cheminées, ses maisons, ses briques. Admirateur de Maxence Van Der Meersch, Roubaix aux tripes, André Diligent s’inscrit dans l’histoire de Roubaix. C’est certainement pour cette raison qu’il souhait en fin de vie pouvoir écrire une histoire de Roubaix. La force a manqué mais il est bon de savoir et de partager qu’il avait cette envie d’écrire Roubaix avec ses mots et son cœur. Il ne voulait pas parler de lui mais de la chaire roubaisienne, des habitants généreux, des associations citoyennes, des visages pâles qu’on dit immigrés mais pleinement citoyens de Roubaix. Sa fierté quand il quitte la mairie de Roubaix en 1994, malade et fatigué, c’est une esquisse de la fraternité roubaisienne, signée de toutes les nationalités qui font Roubaix. Ce tableau, nous pouvons le dire, André Diligent l’avait mis chez lui, à la porte de sa chambre. Quand il en sortait, c’est la première et seule chose qu’il voyait.
En 1989, il avait dû remodeler ses équipes. Il avait déjà en tête la succession à organiser. Il avait fait venir à Roubaix le cardiologue Salem Kacet. Un hommage lui a été rendu, de même qu'à Jean-Pierre Rousselle. Français depuis 1986, Salem Kacet devient adjoint à la santé en 1989. André Diligent avait détecté chez lui incontestablement une valeur, un exemple. Plus médecin qu’adjoint, Salem Kacet n’a pas été choisi par René Vandierendonck qui devait finalement succéder à André Diligent.
L’ancien directeur de cabinet arrivé en septembre 1983, à qui Diligent avait confié les dossiers les plus difficiles comme celui du métro, avait fini par connaitre par cœur la mairie, ses services. Il était devenu aussi un interlocuteur solide au plan métropolitain. Au tournant du premier mandat d’André Diligent, une nouvelle ère communautaire s’annonce. René Vandierendonck s’impose pour prendre la suite. Il s’impose face à Salem Kacet, Hubert Caron et la liste des prétendants. Il n’y a pas eu de compétition officielle. André Diligent avait finalement choisi le plus compétent. Certes René Vandierendonck n’avait jamais caché qu’il avait voté pour Mitterrand en 1981. Diligent le savait. Mais les autres prétendants avaient dû faire la même chose.
L’ultime geste d’André Diligent sera d’écrire une lettre ouverte à Pierre Mauroy. Comme une assurance tous risques contre des alliances contre natures ou des schémas impossibles de fusions malvenues. Dans la tête de Diligent, l’épopée roubaisienne ne sera jamais compatible avec celle de Lille. Les villes ont une âme pour Diligent, l’homme qui aime les gens. Dixit René Vandierendonck. Il laisse donc cette lettre contre une forme de testament politique.
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